Charte de la biodiversité
PAR RAYMOND JOANNESSE
Vice-président en charge du Développement durable
La Charte de la Biodiversité de la Région Champagne-Ardenne
Qu’est ce que la biodiversité ?
La biodiversité désigne la diversité du monde vivant (des milieux, des espèces, de la génétique). Elle peut être considérée à cinq niveaux : celui des écosystèmes, des espèces, des populations, des individus et des gènes. Sur le terrain, le niveau des « espèces » est le plus accessible.
La France occupe le 1er rang européen pour la diversité des vertébrés et abrite 40 % de la flore européenne. De nombreuses espèces sont cependant menacées, en raison des pressions qu’exercent les activités humaines sur leurs habitats. Les écosystèmes Européens regroupent plus de 2.500 types d’habitats et environ 215.000 espèces, dont 90 % d’invertébrés.
Un déclin alarmant
Encore plus qu’hier, il est urgent d’agir aujourd’hui. La biodiversité n’est pas qu’une « lubie d’écolo ». Elle n’est pas limitée à quelques espèces emblématiques de faune ou de flore qu’il faudrait protéger comme les derniers vestiges d’une vie passée. Il s’agit de la diversité biologique grâce à laquelle nous pouvons nous nourrir, nous vêtir, fertiliser naturellement les sols, résister aux phénomènes naturels, absorber le CO2, diversifier les paysages, notamment. La biodiversité est omniprésente et a des conséquences directes sur toute la société, bien au-delà de nos frontières.
Je voudrais insister sur les raisons pour lesquelles protéger la biodiversité est non pas un choix, ni même une option, mais une nécessité !
Des travaux réalisés dans le cadre de l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire ont permis de définir les concepts extrêmement intéressants de « services écologiques » et de « services écosystémiques », qui mettent en lumière à quel point la biodiversité est présente dans nos vies. Par ces expressions, il faut entendre les bénéfices que les humains tirent de la nature, de manière directe ou indirecte. Il s’agit de défendre la nature non seulement en tant que telle, mais aussi en raison de ce qu’elle nous apporte.
La biodiversité est inestimable
Pour autant, cette richesse est exploitée par les entreprises sans qu’elles en subissent les coûts. Le rapport du groupe de travail présidé par Bernard Chevassus-au-Louis et intitulé Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes détaille les enjeux socio-économiques majeurs que représente, pour la France, la biodiversité, ainsi que la valeur des services écosystémiques pour aujourd’hui et, encore plus, pour demain. D’une part, les pertes irremplaçables des services écosystémiques vont conduire naturellement à une augmentation des prix que supporteront les consommateurs. … Peut-on aujourd’hui évaluer les conséquences des bois et forêts dévastés ?
D’autre part, les dégâts résultant de la perte de la biodiversité doivent être supportés ou compensés par la société et donc par les contribuables. Qu’il s’agisse du pouvoir d’achat ou des finances publiques, tous deux ont des conséquences sur la biodiversité. Et la réciproque est vraie.
Des impacts sociaux
Que ce soit en ville ou à la campagne, chacun sent intuitivement qu’un environnement est sain quand il côtoie insectes, oiseaux, poissons ou toutes sortes de fleurs. Les ménages sont à la recherche d’un cadre de vie naturel, de meilleure qualité et apaisé. Tel est le cas, par exemple, dans notre région avec le parc naturel régional de la Forêt d’Orient, celui des Ardennes et celui de la Montagne de Reims.
Le cadre de vie a surtout des impacts sur la santé. La dimension environnementale des maladies cardiovasculaires est largement méconnue. Pourtant, près de cinq cents études scientifiques récentes mettent en évidence les multiples liens entre environnement, biodiversité et maladies cardiovasculaires. Le fait de vivre en milieu vert réduit de moitié la différence de mortalité cardiaque entre les plus modestes et les plus riches !
Enjeux économiques, finances publiques, équité sociale :
on le constate, la biodiversité ne concerne pas seulement les amoureux de la nature ; elle concerne en priorité l’État, les acteurs publics et privés.
Les leviers d’action existent pourtant, dans les filières du BTP, de la fiscalité, de la production agricole, de l’industrie verte, ou encore en matière de responsabilité juridique environnementale. La France est toujours à la traîne en matière de fiscalité verte, laquelle ne représentait que 1,5 % du PIB en 2009, contre le double en Slovénie. Bien évidemment, je n’ai rien contre les slovènes ! Au sein de l’Union européenne, notre pays se classe en la matière au vingt-quatrième rang sur vingt-sept !
C’est à la vue de ce constat que la Région Champagne Ardenne a décidé de créer une Charte de la Biodiversité. Je tiens à remercier le président Bachy, qui adhéra de suite à cette élaboration. J’ai voulu que cette charte ne soit pas la seule émanation de la région, mais un document élaboré, pensé et conçu par tous les acteurs régionaux se sentant concernés par le constat que j’ai dressé auparavant. Pourquoi cette volonté que cela ne soit pas seulement un document conçu et réalisé par les services de la Région ?
La défense de la biodiversité pour toutes les raisons que je vous ai expliqué auparavant, est l’affaire de tous les acteurs régionaux (associations, syndicats professionnels, collectivités, citoyens ….), et de ce fait qu’elle responsabilise et incite à engager des actions concrètes. Bien sûr ce document ne résoudra pas d’un coup de baguette magique ce déclin que nous constatons mais par le fait d’adhérer à cette charte et de s’engager dans diverses actions en faveur de la biodiversité, est le signe d’une prise de conscience par ces organismes ou collectivités.
Maintenant que l’état prend ces responsabilités en lançant l’élaboration du schéma de Cohérence Écologique Régionale, déjà demandé lors du Grenelle de l’Environnement et confirmé lors de la Conférence Environnementale de septembre dernier, dont l’une des conclusions est bien la prise en compte des menaces envers la biodiversité, ce document va servir de support pour la conception du schéma de Cohérence Écologique Régional, qui va définir les trames vertes et bleues, document réglementaire et opposable dont je vous rappelle qu’il doit être collaboré conjointement par l’Etat et la Région.
J’en profite pour remercier Sophie de Champsavin ainsi que le service environnement de la Région sous la direction de Didier Breton et Jean Marie Rollet pour ce travail qu’ils ont menés avec conviction et engagement.