Les élus lorrains et champardenais disent non à CIGÉO

 

Dans le cadre du débat public sur le projet CIGÉO, les conseillers régionaux Europe-Écologie Les Verts Lorrains et Champardenais, ont apporté leur contribution, soucieux des impacts sur leurs territoires respectifs.

Ce projet a trop de failles pour permettre une validation :
– du stockage en couche profonde,
– du calendrier d’exécution.

« Notre responsabilité d’élus est de raisonner en risque minimal, avec un principe de précaution maximal. A court, moyen et long terme.

Le caractère régional du projet ne doit en aucun cas réduire les enjeux à ces seules régions. Il s’agit bien d’un sujet national qui nous emmène, qu’on le veuille ou non, vers la question tranchante de la sortie du nucléaire. »

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C’est quoi CIGEO ?
Un projet qui pose des questions éthiques fondamentales

CIGÉO est un projet de centre industriel de stockage de déchets radioactifs. Ces déchets, qui devraient être enterrés à 500 mètres sous terre, ont la particularité d’être hautement radioactifs, et ce pour une durée de plusieurs millions d’années. Ce centre, s’il voyait le jour, se situerait sur les territoires des communes de Bure et de Saudron, entre les départements de la Meuse et de la Haute-Marne, la Lorraine et la Champagne-Ardenne. Un projet situé sur une «frontière» stratégique où la densité de population est si faible, qu’elle offre trop peu de résistance potentielle et de mobilisation en local pour peser.

 

Le projet présente de sérieux problèmes et incertitudes :

1/ les recherches scientifiques, qui doivent garantir une solution ultra-sécurisée et une phase industrielle dès 2016, n’ont pas encore permis de répondre à l’ensemble des problèmes techniques. Et d’ailleurs, malgré une approche très « positiviste » sur les futures avancées scientifiques, la lecture des avis et travaux de l’ANDRA, de l’IRSN, de l’ASN, et du CLIS ne sont absolument pas rassurants.

2/ le stockage doit impérativement être « réversible », ce qui signifie pouvoir ressortir les colis de déchets en toute sécurité et à n’importe quel moment, durant au moins 100 ans. Période infime comparée à la longévité du déchet en question (0.0001% de la vie d’un déchet !). Les parlementaires auront d’ailleurs à repréciser cette notion.

3/ leur nocivité dépasse notre échelle de vie d’homme, et engage notre responsabilité envers les générations futures. Les débats éthiques s’accordent pour qu’une gestion responsable soit garantie pour nos enfants.

4/ ces déchets, extrêmement dangereux et nocifs, seraient transportés sur plusieurs centaines de kilomètres et accumulés sur place. Des risques accrus donc lors du transport et sur le site même.

 

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Mais ces déchets existent ! Qu’en fait-on ?

Le nucléaire représente plus de 1.320.000m3 de déchets dangereux. Leur prolifération ne cesse de s’étendre. D’ici 2020, ce seront plus de 2.000.000 de m3 à assumer. Jusqu’à maintenant qu’en avons-nous fait ?

Pendant longtemps les déchets radioactifs ont été jetés, comme des poubelles ordinaires, dans l’océan ou dans des trous, sans se soucier de l’impact environnemental. Leur extrême dangerosité a ensuite été prise en considération un peu plus sérieusement, et devant la difficulté à assumer leur quantité importante et ininterrompue, il a été décidé enfin de légiférer sur leur gestion.

En 1991, la loi Bataille a ainsi autorisé le stockage de déchets nucléaires en couche profonde avec une condition de réversibilité. En parallèle de cette autorisation, des recherches ont été engagées pour explorer les diverses autres solutions de stockage possible.

Quelle logique y-a-t-il à engager des recherches sur diverses solutions, si en même temps, on autorise d’ores et déjà le stockage profond ? Autant dire que cette décision était déjà prise, seulement retardée par des mobilisations citoyennes.

Les trois pistes de recherches engagées ont donc été :
1/ La transmutation-séparation (casser les atomes pour diminuer la radioactivité) ;
2/ le stockage profond. Soit des déchets enterrés et potentiellement inlocalisables dans quelques milliers d’années ;
3/ l’entreposage en surface. Soit des déchets que l’on peut avoir sous les yeux.
En 2006, après la remise du rapport des recherches, le Parlement a fait le choix du stockage profond et a donné à l’Andra la mission de concevoir et d’implanter le stockage. Ce choix s’est fait contre l’avis très majoritaire du débat public de 2005 et contre l’avis des populations locales qui, au travers d’une pétition de plus 44000 signataires, ont exprimé leur refus au projet. Les recherches se poursuivent sur les deux autres axes, considérés comme complémentaires (transmutation – entreposage en surface).

 

Déni de démocratie, absence de réponses techniques solides… A ce jour, le débat focalise sur la question CIGÉO. Qu’est-ce qui pousse à s’engager absolument et maintenant dans ce projet ? Mais la question ici n’est pas «construit-on ou non ce centre ?» mais bien plus largement, que faisons-nous de nos déchets radioactifs ?

 

Face à cette calamité, il n’y a pas de bonnes solutions. Nous devons nous contenter des moins pires :

1/ pour les déchets existants, les stocker dans un endroit ultra-sécurisé, ce qui sous-entend d’avoir étudié les 3 options (transmutation – entreposage – stockage profond) avec le même intérêt, et intégralement. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

2/ pour les déchets existants, les surveiller et les protéger, ce qui sous-entend de pouvoir les voir, tourner autour, passer dessous.  Donc, stocker en sub-surface, et pouvoir ainsi contrôler l’état des conteneurs. Un contenu défectueux pourrait alors être reconditionner. On a déjà vu au centre de stockage de la Hague, l’Andra refuser d’aller extraire des conteneurs critiques à seulement 20 mètres d’enfouissement… Bure est à 500 mètres sous terre !

3/ l’arrêt de la production de ces déchets par une sortie progressive du nucléaire comme l’Allemagne, l’Espagne, le Japon, le Québec… Le meilleur déchet est celui que nous ne produisons pas.

 

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Principe de précaution

Les problèmes techniques n’ont pas encore tous trouvé solution. Il n’est donc pas acceptable de s’engager dans un projet non sécurisé.

Modalités de transport des déchets
C
ette étape présente un risque majeur (voir le cahier d’acteurs n°77 – G.Blavette). Il n’existe pas à ce jour de schéma abouti sur ces modalités (routes ou rails ? parcours ? sécurité ?). La loi prévoit pourtant une prise en charge des infrastructures de transports par les collectivités, sans scénario retenu.

Un entreposage en surface aussi
Avant l’enfouissement, CIGEO sera nécessairement et aussi un lieu d’entreposage en surface. Les informations techniques concernant cette « transition » restent nébuleuses.

Fiabilité incertaine du site
Compte tenu de l’échelle de temps, l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire) demande des expérimentations longues à taille réelle, incompatible avec le calendrier actuel.

Risque incendie
Les colis MA-VL (Moyenne activité – Vie longue), qui rejettent de l’hydrogène, présentent de gros risques d’incendie.

Inventaire des déchets
Le projet est aujourd’hui calibré pour des déchets dont la nature et la quantité peuvent être amenés à évoluer. La politique nucléaire et le choix de la durée d’exploitation des réacteurs sont en discussion. L’inventaire est qualifié de flou par toutes les instances.

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Les régions Lorraine et Champagne-Ardenne,
nos compétences, notre responsabilité

En tant qu’élus des régions Lorraine et Champagne-Ardenne, nous avons la responsabilité de mesurer l’impact du projet. Au-delà du risque de contamination désastreuse, l’implantation de ce centre marquerait le territoire et engagerait notre responsabilité de politiques.

 

Nos politiques régionales mises à mal
Le projet CIGÉO sabote les efforts d’attractivité de nos régions :

– Une stratégie économique régionale innovante est amorcée. Stratégie s’appuyant sur les pépites industrielles, encourageant la transition écologique de l’économie, diversifiant l’économie de proximité (développement des activités tertiaires, de l’économie touristique et culturelle…). Un tel projet impacterait durablement l’image de la région, son attractivité et fragiliserait des filières économiques essentielles, notamment : champagne, agriculture, industrie laitière, eaux minérales, tourisme vert…

– Notre territoire perd des habitants et connait un vieillissement significatif de sa population, tout particulièrement en milieu rural. Qui veut vivre près des poubelles ?
– Au travers de notre charte de la biodiversité et le Schéma régional de cohérence écologique, nous travaillons à une meilleure prise en compte des espaces naturels, des espèces animales et végétales, et des continuités écologiques par l’ensemble des acteurs (acteurs économiques compris).

– Sur le plan agricole, l’emprise foncière potentielle du projet, alors que nous luttons contre l’artificialisation des terres, est énorme (790 ha, 440 en Meuse et 340 en Haute-Marne).

Quelle cohérence entre des politiques publiques qui mettent des moyens dans le soutien à l’emploi, l’attractivité, l’environnement… d’un côté et un projet qui les compromettrait de l’autre ?


La Région sollicitée, mais pas consultée

Pour un projet d’une telle ampleur et dont l’accompagnement économique est présenté comme une clef du dossier, il est aberrant que la région n’ait pas été associée au pilotage du projet (Etat et département). Des millions d’euros sont actuellement engagés par le département, à travers le Groupement d’Intérêt Public. Et des crédits d’Etat servent la phase industrielle alors même qu’elle n’a pas été validée par le Gouvernement.

L’argument du développement économique et du soutien à l’emploi est mis en avant (création de 1300 à 2300 emplois d’ici à 2025, puis entre 600 et 1000 pendant les 100 ans d’exploitation). Or, aucune association des régions sur le sujet n’est à l’ordre du jour. Où est la cohérence politique entre un État qui délègue des compétences aux collectivités sans même les associer ensuite aux décisions les impactant ?

D’autre part, la région gère les transports régionaux de voyageurs, notamment ferroviaires. Elle participe au financement des infrastructures. Il nous est déjà difficile aujourd’hui d’assumer un renouvellement correct du matériel roulant et de garantir à l’ensemble du territoire régional un réseau équitablement réparti. Comment serait-il alors envisageable de soutenir financièrement des investissements supplémentaires pour construire le réseau complémentaire nécessaire ? Réseau qui doit impérativement permettre un acheminement des colis en évitant toute rupture de charge.

Le législateur a prévu que la région participe au financement des infrastructures qui relève de sa compétence. Comment peut-on demander à une collectivité d’assumer des investissements sans lui demander son avis au départ, et sans l’impliquer ?

 

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Un projet inacceptable en l’état

Aucune solution satisfaisante n’a été trouvée jusqu’ici pour éliminer les déchets radioactifs. C’est dès l’origine de la découverte de la possibilité d’user de l’énergie nucléaire, que l’impossibilité de traiter la question des déchets aurait dû amener à renoncer à cette technique.

Cela n’a pas été le cas. Le miracle technologique n’a pas eu lieu. Nous nous retrouvons aujourd’hui dans l’obligation d’assumer la responsabilité, sur des centaines de générations, de choix politiques effectués par d’autres il y a 50 ans.

CIGÉO est présenté comme la réponse évidente et salvatrice. De la même manière que nous avons fait le pari de l’énergie nucléaire de manière irresponsable, ne nous engageons pas dans CIGÉO. Le projet n’est pas mûr. La phase industrielle n’est pas aboutie. Le calendrier est trop court. Les problèmes de sûreté ont été étudiés, mais séparément les uns des autres, et restent sans réponse pour certains.

Le principe de précaution ne doit pas être une option. En tant qu’élus lorrains et champardenais, nous nous opposons au Centre industriel de stockage CIGÉO.

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