Débats publics sur le canal à grand gabarit « Petite Seine » et aménagement de la Bassée : aménager pour corriger un mode développement trop impactant sur l’environnement ou oser une autre voie ?
Le conseil régional de Champagne Ardenne est amené à donner un avis, pour financement éventuel de l’aménagement de la canal à grand gabarit sur 27 km de Seine entre Bray-sur-Seine (Val-de-Marne) et Nogent sur Seine. Le débat public est connecté à un autre projet d’aménagement qui est celui de la Bassée, qui vise à la lutter contre les inondations en Ile de France, en cas de crues conjuguées de la Seine et de l’Yonne.
Vous trouverez en complément un descriptif plus complet des projets ainsi que notre contribution au débat.
Un débat ou deux débats sur deux projets, qui illustrent bien la dialectique entre enjeux environnementaux et économiques, et portent sur un même territoire : la Bassée :
La Bassée est la dernière zone naturelle relativement sauvage de la vallée de la Seine, reconnue au niveau national et européen, avec une faune et une flore remarquables et rares. Le projet de canal à grand gabarit, porté par Voies Navigables de France ne peut être vu comme s’il se passait dans une zone comme toutes les autres. S’il traversait des territoires qui n’ont pas cette qualité de biodiversité, très vraisemblablement, nous ne raisonnerions pas de la même façon.
Mais cela n’est pas le cas, même si la présentation du maître d’ouvrage tend à gommer ces spécificités, ces deux séries d’impacts.
Les premiers sont les plus évidents, ce sont ceux que tout un chacun perçoit immédiatement. Lorsqu’on fait un canal à grand gabarit, quand on approfondit le lit, rectifiant des méandres, modifiant les écoulements, élargissant le tracé, les impacts sont évidents. Pas prévisibles, mais certains. On peut gloser sur les études, la qualité, etc., néanmoins, cet impact est connu, reconnu, identifié. C’est plutôt la manière de le voir, en ampleur, en importance, de le hiérarchiser qui fait débat, mais c’est évidemment perceptible pour tout le monde.
La deuxième catégorie d’impacts, c’est ce que l’on appelle « les impacts indirects », c’est-à-dire, par exemple, que la modification de l’écoulement de la Seine entraine une modification du régime des crues naturelles, qui peut elle-même modifier le milieu dans lequel se développent un certain nombre d’espèces animales ou végétales. Nous avons donc un deuxième effet sur la biodiversité, mais moins certain, moins difficile à faire comprendre, aussi.
La présentation du projet de liaison fluviale conforte le sentiment d’un projet dont le financement n’est pas bouclé ou tout du moins pas annoncé, avec des attendus en termes de retombées économiques durables et discutables (exploitation des gravières pendant 25 à 30 ans, exportation de céréales, etc) mais annoncées à cors et à cris par les lobbys économiques concernés.
Face à ces retombées économiques incertaines, contestables, mais néanmoins appuyées de chiffres précis, comme pour nous convaincre qu’il ne s’agit pas de promesses en l’air, il y a des impacts écologiques très lourds, immédiats mais qui, eux, sont non chiffrés.
Le paradoxe, c’est que le projet justifie ces atteintes à l’environnement par une lutte contre les dérèglements climatiques, compatibles avec le projet de Plan Climat Air-Energie Régional, puisque réduisant le nombre de camions sur les routes.
Bien que cet argument soit fort et qu’il doivent absolument être pris en compte, doit on pour autant dégrader l’environnement d’une zone remarquable (zones classées Natura 2000, soumises aux directives européennes « oiseaux » et « habitat », etc… ) pour corriger les errements d’un mode de développement qui crée de l’emploi peu durable sur le long terme (le béton, l’agriculture intensive, ce n’est pas exactement le modèle que nous cherchons à promouvoir), ou de la valeur ajoutée discutable (exportation de céréales qui déstabilisent des marchés et affament des populations ailleurs) ?
Faut-il, au motif de la contribution au bilan carbone immédiate (et incertaine), accepter ce projet sans discussion ou faut-il plutôt oser envisager d’autres alternatives, comme un développement de voies fluviales plus légères, un renforcement de la solution ferroviaire , etc. Là était l’enjeu du débat.
Mais le débat nous a permis d’apprendre que, contrairement à ce qu’on nous laissait croire, le fret routier ne diminuerait pas sensiblement, mais que, grâce à ce projet, de nouvelles zones d’activité seraient sensibles de se créer. Outre la grande incertitude sur cette prévision, nous considérons qu’elle ne fait que conforter nos craintes sur les risques environnementaux majeurs et difficilement compensables.
De plus, ces nouvelles activités sont hautement susceptibles de mettre en cause une filière d’emplois à croissance très importante que constitue le tourisme dit « vert ».
Enfin, nous ne comprenons pas pourquoi les études socio-économiques n’ont nullement tenu compte des impacts prévisibles de la taxe sur les poids lourds (qui entrera en vigueur en 2013), combinée à l’augmentation de carburants sur le transfert modal de la route vers le fret ferroviaire, ni sur l’activité de Mefro Roues. Nous sommes également surpris des annonces faites en nombre de camions économisés, alors que VNF indiquait, lors du débat public de Montereau, être dans l’incapacité de chiffrer le nombre de bateaux supplémentaires que cela représente à l’horizon 2020, l’étude n’ayant pas été faite.
L’aménagement de la Bassée, second sujet soumis à débat public, n’appelle pas les mêmes réserves compte-tenu des enjeux, mais nécessite quand même de faire un lien avec le projet précédent, puisque que l’obligation de ce projet d’aménagement résulte de la dégradation des zones humides et de l’artificialisation des sols qui ne peuvent plus, dès lors, jouer leur rôle de filtre contre les inondations. Il faut donc réfléchir au sens de grands aménagements qu’il faut ensuite corriger par des autres grands améangements, plus coûteux encore (500 millions d’euros pour le projet d’aménagement de la Bassée).
Pour efficaces qu’ils sont en matière d’assèchement de zones humides ou à défaut d’être efficaces en matière de régulation et de pompage de l’eau, on a la certitude de l’efficacité de tels projets en matière de pompage et d’assèchement de finances publiques.
Sur ces deux points, des réponses ont été apportées ; il y a effectivement eu une étude l’alternative de 80 points de micro-barrages et pompages mais non concluants…
Et sur l’assèchement des zones humides, la gestion du projet préserve normalement du risque, voire améliore la situation actuelle.
Voir le projet de VNF : http://www.debatpublic-petiteseinegrandgabarit.org/flipbook/sources/index.htm
Notre position sur la liaison fluviale entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine
Avis de l’Autorité Environnementale du ministère de l’écologie