En route vers les assises de l’ESS : le temps de la synthèse intermédiaire…
Par Patricia Andriot
Jeudi 26 mai, se tenait le temps de synthèse intermédiaire du processus des assises de l’ESS.
Cela a été l’occasion de présenter les points clefs du diagnostic issues des débats dans débats (« mardis de l’ESS ») dans chaque département et les enjeux des orientations politiques qui en découlent.
Si le temps d’écoute a permis de confirmer que la politique régionale menée depuis 2004 est largement reconnue, c’était surtout l’occasion de s’interroger sur les manques et les limites de celle-ci. Cloisonnement des acteurs et des politiques publiques, complexité d’accès aux dispositifs, des trous dans le maillage d’accompagnement, un manque de proximité ou d’animation territoriale sont les principales pistes d’améliorations attendues.
Pour travailler dans ce sens, 3 orientations ont été soumises au débat :
– Rapprocher, informer et faciliter la coopération et la mise en réseau
– Accompagner plus et mieux, plus en amont et en aval (de l’idée à la réalisation du projet), retravailler la pérennité économique, faciliter l’accès aux dispositifs d’aides
– Ancrer en inscrivant l’ESS dans le projet politique régional, au niveau des territoires, et dans la culture champardennaise, favoriser la reconnaissance de la diversité des statuts, ou de la valorisation économique de l’utilité sociale.
Eléments clefs d’orientation ayant été validés par les participants, nous travaillerons donc à partir de ces enjeux pour construire les orientations de la politique régionale dans les 3 prochaines années.
Fidèles à la méthode de construction de ces assises, nous avons souhaité maintenir le dialogue, l’écoute mais aussi l’enrichissement mutuel et c’est pourquoi la présentation intermédiaire s’est prolongée par une conférence-débat sur la question de l’enjeu territorial comme vecteur de développement de l’ESS .
Pour enrichir ce questionnement, deux intervenants ont été accueillis
Michel Luleck est venu nous raconter une histoire de développement local, celle de Faux en Montagne et de son territoire sur le plateau de Millevache (Limousin). Ou comment à partir d’un petit village rural isolé, dans lequel il n’y avait plus rien, du lien social, du faire ensemble mais aussi de l’activité économique valorisant les ressources locales, en l’occurrence le bois, a pu se reconstruire. Tout le propos de l’intervenant a été d’expliquer que c’est à partir d’une ambiance, de la construction d’un environnement social propice que l’activité se recrée et non l’inverse.
Quels ingrédients pour arriver à ce petit miracle ? une baguette magique ? Que nenni, des choses très courantes : un fort tissu associatif, quelques personnes médiatrices, un zest d’utopie, une capacité à dialogue entre type d’acteurs, et aussi une capacité à faire feu de tout bois et à se saisir des opportunités qui se présentent.
Pour analyser cette expérience, et prendre du recul, Jean-François Draperi, professeur au CNAM (Conservatoire national des Arts et Métiers), spécialiste de ces questions, est venu expliquer comment après deux tentatives manquées pour que l’économie sociale s’impose comme un modèle économique alternatif (développement du mouvement des coopératives des production au puis développement des coopératives d’usagers), le territoire de projet est actuellement le ferment d’une troisième tentative pour imposer un modèle alternatif qui tente de regrouper producteurs et usagers au sein d’un même organisation collective ; selon lui, le succès actuel des AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), mais aussi l’apparition des SCIC (société coopérative d’intérêt collectif), CAE (coopérative d’activité économique) illustrent ce rapprochement entre producteurs et utilisateurs ; une analyse plus fine montre que la proximité territoriale , la reconnaissance culturelle, en un mot la proximité font la différence pour permettre ce rapprochement. Il s’est d’ailleurs servi d’un exemple très local (l’AOC Champagne) pour démontrer ce qu’on peut faire par une organisation collective.
Exemple controversé, qui a été l’occasion de discuter des liens entre économie sociale et solidaire et économie classique, des passerelles qui sont à faire, des compromis possibles et de ceux qui font prendre le risque de perdre ses repères et d’une remise en cause des valeurs fondatrices de l’ESS.
Des propos des intervenants, nous pouvons retenir une illustration concrète et décortiquée, qui confirme qu’il y a un réel enjeu autour de l’ancrage territorial et social.
Créer de la richesse économique et humaine à partir du social et de l’environnement, c’est possible. C’est d’abord une histoire d’homme, de projet, une utopie et il y a un réel enjeu à accompagner ces dynamiques par des politiques publiques. Politiques publiques qui doivent être orientées et cadrées par une volonté politique et un encadrement juridique , pour éviter que l’ESS ne soit que le social de l’économie, la caution d’un modèle qui ne se remet pas en cause.
Faire des compromis aux quotidiens sans perdre de vue l’horizon que nous donne le rêve. Une façon de confirmer l’enjeu qu’il y a autour de la politique régionale, et la nécessité de mettre en place les bonnes orientations !