L’agriculture, sociale et solidaire ?

 

Qu’est ce que l’Économie Sociale et Solidaire ?
En quoi cela concerne l’agriculture ?
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Par Patricia Andriot, vice-présidente en charge de l’ESS

 

Dépasser l’approche statutaire
On aborde souvent l’ESS par ses seuls statuts. L’ESS regroupe les coopératives, mutuelles, fondations et associations  mais elle rassemble surtout l’ensemble des activités créatrices de richesses qui sont produites et distribuées selon certains principes. Ces principes installent au cœur du pilotage de la production le travail et ne déconnectent pas la finalité de production de son impact social et environnemental :

– une lucrativité limitée > on ne cherche pas à faire d’excédents, mais lorsqu’il y en a, ils ne sont pas redistribués totalement. La redistribution se fait davantage en fonction du travail effectué que du capital investi,

– les structures sont gérées selon des principes de gouvernance mettant au premier plan le travail (un homme = une voix, participation des salariés à la gouvernance, …).

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Différentes familles au sein de l’ESS
L’économie sociale est composée de plusieurs familles, une première famille de statuts : les mutuelles, les associations, les coopératives…

Une autre famille est celle de l’insertion par l’activité économique, ou IAE, qui inclut entreprises d’insertion , associations d’insertion et chantiers écoles. Elle propose une activité pour les personnes en difficulté, principalement au travers des contrats aidés. Elle est aussi appelée parfois « économie de la réparation » et incarne souvent à tort l’ESS dans sa globalité.

Enfin il existe bon nombre d’entreprises qui, sans en avoir les statuts, respectent les principes et les valeurs de l’ESS. De la toute petite structure ou association qui rend un service marchant d’utilité sociale, à l’entreprise (SARL, SA) qui s’inscrit dans une logique de RSE (Responsabilité sociale et environnementale) particulière. Un jour considérée comme le canard noir de la famille, un autre comme la branche vivifiante de l’économie sociale, l’ESS doit voir son périmètre clarifié, vrai enjeu de la loi en discussion.

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Une production agricole historiquement concernée
Une part important des entreprises qui relèvent du secteur agricole font partie intégrante, de part leur statut, de la famille de l’ESS. Il s’agit des coopératives agricoles, viticoles, des mutuelles agricoles mais aussi du secteur bancaire avec le Crédit agricole.

En effet, surtout pour des raisons sociologiques qui remontent à la révolution française, la production agricole a quasiment toujours refusé une déconnexion totale entre son appareil de production et l’organisation du travail en son sein. Pas ou peu de Société Anonyme en agriculture, et des outils juridiques (fonciers, GAEC, coopération agricole..)  qui maintiennent un lien fort entre travail et possession du capital.

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ESS et agriculture, ringardise ou modernité ?
On pourrait considérer qu’avec la seconde révolution agricole des années 60, qui a fortement capitalisé l’activité agricole (révolution dite du tracteur), ainsi que la stratégie de spécialisation qui conduit  à une déconnexion de  l’agriculture à son territoire, ait distendu ce lien entre production et capital.  Il y a eu effectivement des tentatives de séparation de l’agriculture de son capital mais on observe que même dans les mouvements récents de l’agriculture, il y a une résistance des statuts. Les lois agricoles qui se sont succedées n’ont pas cassé les codes sur ce point.

C’est encore vrai dans la dernière loi agricole, où la tentation d’une libéralisation plus grande du droit à l’accès au foncier, a été finalement été invalidée.

Plusieurs raisons peuvent expliquer cela, des raisons historiques, la sociologie de la profession, le taux rentabilité potentielle de l’activité, et le renfort de l’administration du secteur avec la politique européenne (PAC).

Les remises en cause ou interpellations récentes, tant sur la qualité des produits, l’impact sur l’aménagement du territoire, l’impact environnemental, la distance entre producteur et consommateur, redonne une acuité particulière au lien entre l’agriculture et l’ESS.

En effet , les enjeux actuels  sont :

– Relocaliser

– Produire mieux

– Mieux assurer la rémunération locale

– Contribution de l’agriculture à l’emploi

– respect du milieu de production et impact environnemental

Ces enjeux correspondent exactement au principe de production de l’ESS, dont les statuts favorisent en théorie leur respect. L’émergence des AMAP, associations qui relèvent de l’ESS s’inscrit d’ailleurs totalement dans cette logique.

Il faut toutefois noter que le seul statut ne protège pas tout et qu’on aurait pu attendre de la forte place de la coopération dans le monde agricole qu’elle protège celui-ci de dérives habituelles de la financiarisation de l’économie. Cela n’a pas été le cas, puisque pressée par la mondialisation, les coopératives agricoles se sont souvent beaucoup agrandies au détriment d’une gouvernance de proximité, et au détriment du respect de l’impact environnemental et l’emploi de l’agriculture.

La meilleure illustration d’actualité est l’affaire Spanghero, puisqu’on avait là affaire à une coopérative.

C’est d’ailleurs pourquoi le toilettage du statut de la coopération agricole est également un enjeu de la loi.

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