Penser autrement la question énergétique
Ce billet propose quelques réflexions pour favoriser une approche globale de la question énergétique, qui prend en comptes les enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Ces réflexions sont issues de deux conférences, l’une qui a eu lieu en pays de langres, en juin 2011 animée par H Gassin, et l’autre, ce samedi 22 octobre animée par Bernard Laponche à Rethel.
Si depuis la seconde guerre mondiale, notre modèle de développement économique est très énergétivore, avec des effets négatifs souvent peu visibles pour l’opinion publique (épuisement des réserves de pétrole…), quelques éléments comme la hausse des prix, des accidents graves, ou des pollutions visibles (qualité de l’air, ..) commencent à faire de l’enjeu énergétique une question de société. Cependant, le sujet est trop souvent renvoyé à des débats de spécialistes, alors qu’il s’agit bien d’un choix de société, d’une question politique, que les experts seuls ne pourront pas investir complètement. Et même si le nucléaire, souvent très emblématique, ne représente que 6 % de la production, les impacts des questions énergétiques sont bien économiques, sociaux, et environnementaux. Parce que les enjeux sont globaux, il y a un enjeu à porter la question énergétique à la fois localement et globalement.
Nous sommes donc au stade du constat, sans indicateurs de risques encore très visuels ou proches (et c’est en cela que Fukushima change radicalement la donne) mais avec un sentiment de débats complexes, sans autre solution, qui induisent une sorte de résignation.
Actuellement, la consommation mondiale d’énergie induit un besoin de 4 planètes si les pays émergeants poursuivent notre modèle de développement. Les énergies sont à 80% des énergies fossiles qui arrivent à épuisement (charbons, pétrole, gaz) , 10 % de biomasse, et 6 % seulement de nucléaire, qui est lui-même une énergie fossile.
Compte tenu de l’impact sur le climat de l’exploitation de ces ressources, de leur l’épuisement prochain et de la non crédibilité de la solution nucléaire pour compenser (faiblesse de la filière sur le plan international, coût, gestion des déchets nucléaires, risque d’accident grave …), la politique énergétique doit reposer sur 3 piliers : sobriété énergétique, développement d’énergies renouvelables, efficacité énergétique : c’est le scénario Negawatt.
Les principaux freins face à ces pistes, sont les représentations fausses qui, tenaces, perdurent : inefficacité de la sobriété énergétique et de l’évolution des comportements (Ex : Pascal Bruckner qui dit qu’on ne résoudra pas les problèmess de la planète, en coupant l’eau lorsqu’on se lave les dents), le retour à la bougie est également une image répandue des que l’on parle de sobriété énergétique. Bref, les énergies renouvelables considérées comme « un truc d’écolo bobo », marginales et non efficaces.
Il existent pourtant de nombreux arguments pour contrer ces critiques : une simple comparaison avec la structure de la consommation énergétique allemande est particulièrement explicite ( même niveau de vie ou supérieure et consommation moindre d’un tiers : 1600 kwh contre 2600 kwh/hab), une analyse des économies d’énergie réalisées depuis 1974 montre que celles-ci équivalent à la consommation actuelle d’énergie (autrement dit sans économie , nous consommerions le double ).
En France, pays le plus dépendant de l’énergie nucléaire et pétrolière, l’argument économique et de l’emploi pèse aussi beaucoup. Pour autant, les chiffres des énergies renouvelables montrent un taux d’emplois non-délocalisables et de qualité plus important (moins de sous-traitance, plus de gouvernance et transparence). Par ailleurs, il existe aujourd’hui des outils, (structures de conseil comme les Agences Locales de l’Energie, structures alternatives de fournitures d’énergies renouvelables comme Enercoop, fonds d’investissement comme Energie Partagée) permettent de penser les questions énergétiques au niveau des bassins de vie, mobilisant des énergies localisées, renouvelables avec des fonds citoyens.
Il faut toutefois un peu de vigilance quant a la qualité des cabinets d’études qui se démultiplient devant l’obligation légale faite aux collectivités. L’enjeu de la gouvernance et d’une appropriation avec une capacité d’ingénierie interne est très important : en effet, pour rendre les plans climats opérationnels et leviers, il faut aller chercher des financements et des opérateurs privés qui investissent, et qui se font rembourser ensuite ; le financement public doit être levier par montage de société de tiers investissement.
Pour aller plus loin….
Lire….
– Le jeu de l’atome et du hasard, JP Pharabod, JP Shapir
– Michel de pracontal, impostures scientifiques en 10 leçons
– Michel de pracontal, risques majeurs.
Des sites et organisations qu’il faut connaitre :