Voyage au pays de Loos-en-Gohelle
Par Patricia Andriot
Vice-présidente en charge de l’Économie sociale et solidaire
—
Nous étions ce samedi 15 février en journée de formation-échange, à Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais), le « Fribourg » français.
Cette journée a permis d’observer le processus en cours dans cette commune de 7000 habitants.
Territoire modelé par une histoire minière forte (site des terrils les plus hauts d’Europe classés à l’Unesco) et qui a du gérer un héritage post industriel synonyme de désastre économique et environnemental,
Territoire marqué par un paternalisme fort et une population tentée de tourner la page de l’histoire minière
Finalement, un territoire qui a misé sur la valorisation de son histoire pour se transformer aujourd’hui en ville de référence en matière de développement durable au niveau national comme européen.
—
Loos-en-Gohelle caractérise, en quelque sorte et avec quelques années d’avance, la mutation économique à laquelle toute la société se trouve progressivement confrontée.
Des résultats d’abord :
– plus de 700 logements réhabilités selon une logique de durabilité,
– l’implantation d’un pôle de compétitivité sur l’économie circulaire (le seul de France) ,
– un cluster de recherche sur l’analyse des cycles de produits en fin de vie,
– 15 km de ceinture verte,
– des repas de restauration collective issus de l’agriculture locale,
– une toiture de l’Eglise couverte de panneaux photo-voltaiques,
– un doublement du nombre d’associations de la commune en 12 ans,
– une notoriété nationale et internationale de la commune sur ses réalisations en matière de transition écologique de l’économie ,
– des emplois récrées de manière significative, une fierté et une dignité retrouvée pour la population…
—
Comment expliquer ce processus de réussite ?
Car il s’agit bien d’un processus, de la mise en dynamique d’un territoire, et d’une revitalisation économique qui est partie d’une réponse aux besoins des gens… partir de l’insalubrité des logements, de la nécessaire protection des captages d’eau, pour ne citer que quelques exemples et voir comment améliorer cela. Domaine par domaine, en travaillant avec des acteurs du logements pour mettre en place diverses expérimentations d’habitats durables (Chénelet etc), travailler une mobilité de proximité douce à partir du plan d’occupation des sols, l’équipe municipale à proposé un projet de ville de territoire, à partir de l’histoire de ce même territoire.
Mais au delà des différents projets conduits pour répondre aux besoins des habitants, Loos a misé sur la reconstruction d’un imaginaire permettant de dépasser le déni faisant suite à l’effondrement de l’industrie minière, et ce avec une méthode participative. Expérimenter, évaluer, généraliser… une réussite qui repose sur la mobilisation pour ne pas dire une émancipation de la population. Implication systématique, dynamique culturelle et associative qui a permis d’oser la reconquête de son territoire, de son histoire.
Bien sûr, tout ce processus n’est pas aussi simple et les difficultés, freins et limites à contourner existent.
Citons en quelques uns : la faiblesse financière des pouvoirs publics, qui complique l’innovation. Une lutte permanente contre des idées reçues, le fatalisme, les évidences soit disant indépassables. Une certaine forme de pensée unique, un territoire en déficit des valeurs écologiques et peu convaincu du pari développement durable. Un déficit de créativité et d’entrepreneuriat dans la culture locale liée à l’histoire sociologique du lieu, des priorités avant tout structurelles sur le hard plutôt que sur le soft…, une surcharge chronique des élus et des équipes qui pèse et qui essouffle ….
—
Au-delà de ces difficultés, cette réussite amène un certain nombre de constats qui font réfléchir sur ce qui peut se faire ailleurs :
– la confrontation au réel, qui signifie de partir de la société telle qu’elle est ..,
– impliquer les individus pour partie de leur préoccupations concrètes
– installer les choses dans la durée,
– traiter la question du sens…, oser vouloir ré enchanter le monde par la stratégie des petits pas, en se redonnant de la fierté en repartant de l’histoire de son territoire.
Tout en ne perdant pas de vue qu’une initiative, c’est une désobéissance qui a réussi…
Bref, une journée qui redonne de l’énergie … Loos est un vrai message d’espoir, en ces temps de doute sur l’utilité du politique …
Patricia Andriot
Vice-présidente en charge de l’Économie sociale et solidaire